On ne peut présenter le bluegrass sans parler d’abord de l’ « old-time music »…

 

L' "old-time music"

 

Au 17° et 18° siècle, après avoir tenté d’utiliser les peaux rouges et avant de se tourner vers le trafic d’esclaves africains, les compagnies coloniales britanniques du sud-est des Etats unis utilisent de la main d’oeuvre irlandaise et écossaise. Ces familles étaient poussées à l’exil par la pauvreté en échangeant la traversée contre un contrat de travail de 7 ans dans les plantations du Mississipi. Traités comme des bêtes, beaucoup réussiront à partir avant la fin de leur contrat, souvent suite à de violentes révoltes, et se retrouveront en grand nombre dans le vaste massif forestier des Appalaches où ils deviendront chasseurs et forestiers, puis paysans et mineurs.

Le violon est l’instrument ancestral des immigrés irlandais et écossais. Le répertoire appalachien est au départ basé sur des fiddle tunes (airs pour violon) puis va se développer en style propre. A partir de la guerre de sécession (1861-1865), le banjo américain à 5 cordes prend une place importante à côté du violon dans la région des Appalaches. On n’y signale pas de guitare avant la fin du 19° siècle, époque à partir de laquelle elle va se développer un peu partout puis venir compléter l’association banjo-violon dans les orchestres à cordes de la région (string bands). Cet ensemble de musiques anciennes des Appalaches est aujourd’hui appelé la musique « old-time » : la musique du vieux temps.

 


 

Le bluegrass

 

C'est à la fin des années 30 que Bill Monroe compositeur, chanteur et musicien créa la musique bluegrass.

D’apparence rigide et conservateur, Bill Monroe (né à Rosine (Kentucky) en 1911) est en fait un musicien sensible, ouvert et par-dessus tout extrêmement original. Durant son enfance, il absorbe tous les sons qui l’entourent : le violon irlandais de son oncle Pen ; la cornemuse écossaise ; la polka et la valse ; les hymnes religieux et peut-être surtout le blues noir de son voisin, le guitariste Arnold Shultz.

Ces influences sont déjà largement sensibles dans le jeu de mandoline, bluesy et virtuose, qu’il développe dans ses duos avec Charlie, son frère aîné, avec qui il enregistre sous le nom de Monroe Brothers.

Quand il quitte Charlie, Bill se présente comme un farouche défenseur de la tradition montagnarde, de l’Old-Time et des string-bands face à l’ « envahissement » de la musique par des sons venus du Western Swing et de l’électrification des instruments qu’il considère comme une insupportable corruption. Il fonde ainsi un petit ensemble d’instruments à corde : les Bluegrass Boys – le terme bluegrass désigne communément l’état du Kentucky où l’herbe ,adossée aux montagnes, semble bleue – et enregistre en 1940 le Muleskinner blues de Jimmie Rodgers (guitariste country du début du 20e siècle) dans cette formule musicale. Mais l’originalité de Bill Monroe est d’adapter son orchestre à cordes aux nouvelles exigences du public. En fait, malgré toutes les apparences, Bill Monroe est tout sauf un traditionaliste ; le bluegrass est aussi éloigné du stringband appalchiens que du Honky Tonk. Le chant véhément et tendu, les parfaites harmonies vocales, la virtuosité des instrumentistes qui se succèdent en des solos où dominent les blue-notes font du bluegrass une musique improvisée, d’essence très moderne qui transcende plusieurs traditions juxtaposées. Le bluegrass reprend beaucoup la formule des petites formations de jazz mais avec des instruments montagnards : guitare, violon, banjo, mandoline, contrebasse et dobro.

Après 1945, les Bluegrass Boys accueilleront successivement presque tous les futurs maîtres du bluegrass : Lester Flatt (guitare), Earl Scruggs (banjo), Vassar Clements (violon), Don Reno (banjo), Mac Wiseman (guitare), Jimmy Martin ( guitare), …

Lorsqu’en 1948, d’autres groupes se forment sur le modèle de celui de Bill Monroe, le bluegrass apparaît comme un véritable genre musical, avec ses règles et ses valeurs.